Le Fils du Marchand d'Olives

Année 2011

Pour leur voyage de noce, Mathieu et Anna sont partis en Turquie. Caméra au poing, pour enquêter sur Garabed, le grand père arménien de Mathieu, qui a échappé au génocide de 1915. Un road trip à travers le pays, marqué par des rencontres, mêlant animation, film d’investigation et documentaire historique pour rapporter la vision que se font les Turcs sur la tragédie de 1915.

L'auteur de ce film, Mathieu Zeitindjioglu, Français d'origine arménienne, est le petit-fils d'un rescapé du génocide perpétré par l’État turc en 1915.

Mathieu, un jour, décide d'en savoir plus sur l'histoire de ce grand-père et de filmer sa quête à la manière d'un journal. La grande curiosité de ce film est que cette décision survienne au lendemain du mariage de Mathieu avec Anna, une jeune Polonaise installée en France. Les deux jeunes gens décident en effet de passer leur voyage de noces en Turquie et d'y mener de front l'enquête sur le passé douloureux de la famille de Mathieu. Une certaine conception du voyage de noces.

Plus troublant encore, c'est Anna qui est chargée de mener sur place les investigations, c'est elle qui va au contact, c'est elle qui s'expose. Du moins le film nous en donne-t-il l'impression. Mathieu, quant à lui, est en retrait, il tient la caméra et n'apparaît quasiment jamais à l'image. La raison de ce retrait ne nous sera jamais donnée. Peut-être apparaît-elle en filigrane dans le conte en dessin animé qui évoque sous forme d'allégorie l'histoire du grand-père de Mathieu et ses implications intimes sur l'état d'âme de son petit-fils : une grande souffrance, une grande honte, une grande pudeur.

Pour le reste, ce que nous montre ce film, non moins que la manière dont il nous le montre, est à la fois troublant et édifiant. Il s'agit, sous la forme relativement curieuse d'un journal de voyage tenu par deux jeunes gens en vacances, de la tentative de comprendre le Génocide depuis l'endroit-même où il s'est commis, soit dans le seul Etat au monde qui ne connaisse depuis un siècle d'autre politique sur la question que celle du négationnisme.

D'une rencontre à l'autre, depuis l'homme de la rue jusqu'au fonctionnaire de musée en passant par les représentants les plus éclairés de la société, c'est donc au même déni, plus ou moins brutal, plus ou moins insidieux, plus ou moins pervers, que se heurtent continûment nos deux protagonistes. Cet odieux spectacle, d'une violence symbolique inouïe, est donc à déconseiller absolument aux descendants des victimes, qui savent à quoi s'en tenir, mais à recommander à quiconque entretiendrait encore quelques doutes sur l'état général de la question en Turquie, en dépit du combat mené par une frange très minoritaire d'intellectuels.

De Mathieu Zeitindjioglou
Avec Anna Zeitindjioglou, Jean-Claude Dreyfus

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